dimanche 17 novembre 2013

Scoria burana 4, Un été éternel.

Est-ce déplacé de dire que j’ai rêvé d’eux, l’autre nuit ? Elle est morte d’un cancer du sein, cet été. Je ne les ai plus revus. Une carte si douce, j’ai reçue, pour me dire qu’elle était rentrée en son été éternel. Et voilà, l’autre nuit, sans doute vers le petit matin, je les ai vus revenir me rendre visite. C’était dans un rêve. Il m’avait dit :
-"C’est vrai, elle est morte. Mais il faut qu'elle continue de venir, pour parler. Car elle n’avait pas fini." 
Elle était sans doute encore dans les parages, avant de s’éloigner définitivement du monde des vivants. On dit cela parfois quand les morts n’ont pas complètement disparu et qu’ils semblent comme retenus par l’attention des leurs.



J’aime les cimetières. Ce n’est pas par goût morbide comme on aime à le penser ici. C’est par familiarité avec les disparus. J'aime les plaques tombales car c’est la vie des disparus qui s'y écrit. L’âge auquel ils sont partis… Leurs visages, leurs rides, leurs derniers vêtements du dimanche. Même par delà la mort, je les imagine esquisser quelques pas de danse, défiant le temps, pirouettant la mort. Ils sourient. J’aime leurs visages, immobiles, fragiles, humains. L'un d'eux semblait me dire, du fond des rides qui barraient son front :
" Qu'est-ce que je m'en suis fait, dans ma vie. ne t'en fais pas, ce n'est pas si important."



Elle était croyante. J’ai imaginé sa tombe. Le caveau familial dont elle m’avait parlé était dans le village avec une concession pour vingt ans. Elle m’avait parlé de son désir de se reposer là, entre les arbres du petit cimetière, au pied de l’église, comme on fait par chez elle. Il y eut beaucoup de monde ce jour là.

Pourquoi donc étaient-ils revenus me rendre visite en rêve ? Me manquaient-ils ? Leur courage, leur solidarité par-delà la mort, leurs projets encore à construire, jusqu'au au seuil de la mort, me manquaient-ils ? Cela me semblait évident, qu’elle avait encore à converser. Mais sans doute c’était comme une conversation ininterrompue que nous entretenions par-delà la mort. Il fait frais sous les arbres. Et tous, allongés tout près d’elle, semblaient sourire de leur bien-être éternel.

Je me suis promenée entre les tombes. J'ai regardé les arbres. J'ai humé le vent chargé d'embruns. Nous nous sommes assises au pied de l' arbre et nous avons continué de deviser... pour quelques millions d'années. Encore.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire